Hiérarchie des normes en droit du travail, du principe de faveur au conflit de normes

La hiérarchie des normes en droit du travail est un principe de droit international garanti par l'OIT mais notre législation, depuis la loi travail et les ordonnances de 2017, a permis qu'une règle du droit du travail ne soit plus soumises à une norme supérieure

Hiérarchie des normes en droit du travail, du principe de faveur au conflit de normes

La hiérarchie des normes en droit du travail est un principe de droit international garanti par l'OIT mais notre législation, depuis la loi travail et les ordonnances de 2017, a permis qu'une règle du droit du travail ne soit plus soumises à une norme supérieure

Il était une fois une princesse Hiérarchie qui vivait comblée mais vint une sorcière Libéralisme pour lui ôter ses pouvoirs et, depuis, elle attend dans le chaos du renversement des règles que le Principe de faveur lui redonne de sa grandeur.

En effet, la loi « travail » et les « ordonnances de 2017 » ont mis définitivement fin, dans les textes, au « principe de faveur » en droit du travail et le droit des CSE, entre autre, va être fortement impacté.

Ce principe dit « de faveur » s’exprimait jusqu’à lors ainsi :

> Un contrat de travail ne pouvait déroger à un accord d’entreprise ;

> Un accord d’entreprise ne pouvait déroger à un accord de branche ou élargi ;

> Un accord de branche ou élargi ne pouvait déroger au code du travail.

C’était clair, cette hiérarchie avait l’avantage d’être simple et rationnelle à la fois.

La situation est plus compliquée, depuis 2015 et renforcée en 2017, car d’une part le code du travail a été réécrit avec une nouvelle hiérarchie interne et, d’autre part, l’accord d’entreprise peut dorénavant primer sur l’accord de branche ou élargi dans certaines matières et le contrat de travail ou l’employeur peuvent aussi fixer des règles en l’absence d’accord.

 

  1. Le code du travail a vu certaines de ses thématiques réécrites selon 3 niveaux

1.1 Le premier niveau est dit « d’ordre public », c’est-à-dire que l’on ne peut déroger à ces règles ;

1.2. Le deuxième niveau est dit « négociable », c’est ce qui peut faire partie de la négociation ;

1.3 Le troisième niveau est dit « supplétif », c’est-à-dire applicable en l’absence d’accord.

Les thématiques concernées par ces nouvelles règles sont limitées car le projet consistait à réécrire tout le code du travail selon cette hiérarchie mais, pour le moment, il a été abandonné et elles se limitent à quatre :

- Le temps de travail ;

- Le fonctionnement du CSE ;

- L’encadrement de la négociation collective ;

- Les règles relatives au CDD et au CTT ((durée maximal, délai de carence, nombre maximal de renouvellement).

Dans ces domaines le code du travail devient donc supplétif aux accords.

 

  1. La nouvelle hiérarchie accord de branche ou élargi/accord d’entreprise

2.1 Il y a des domaines qui sont exclusivement réservés à l’accord de branche ou élargi, ce sont ceux dits du « bloc 1 » :

- salaires minima ;

- classifications ;

- mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;

- mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;

- garanties collectives de Protection Sociale Complémentaire (prévues à l’article L.912-1 du code de la Sécurité sociale) ;

- durée du travail (certaines mesures seulement) ;

- CDD et contrats de travail temporaire ;

- CDI chantier ou d'opération ; 

- égalité professionnelle femmes/hommes ;

- période d’essai (conditions et durées de renouvellement) ;

- transfert des contrats de travail en cas de changement de prestataire ;

- 2 cas de mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice ;

- rémunération minimale du salarié porté + montant de l’indemnité d’apport d’affaire.

- la formation ;

- la pénibilité ;

- l’égalité professionnelle hommes-femmes.

Sur ces points, la loi donne la priorité aux accords de branche sur les accords d’entreprise.

2.2 Et d’autres domaines où des clauses dites « de verrou » sont possibles au niveau de la branche, dits « bloc 2 » qui sont :

- la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ;
- l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
- l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical ;
- les primes pour travaux dangereux et insalubres.

Sur ces points c’est la branche qui décide de verrouiller ou non.

2.3 Pour tous les autres domaines dits « bloc 3 » l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche

- les primes diverses (ancienneté, vacances, de fin d’année, 13ème mois, … ;

 - télétravail ;

- les indemnités de rupture (licenciement, retraite) ;

- la durée du préavis en cas de rupture ;

- les congés ;

- la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;

-  la rémunération ;

- les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

- les forfait en jours sur l’année,

- etc. …

Il est donc théoriquement possible par exemple de remettre en cause, par accord d’entreprise, le montant d’une prime d’origine conventionnelle ou même de la supprimer.

Quel est le danger ?

Il n’y en a pas trop en présence de syndicalistes vigilants, sauf syndicat « maison » car il faudra trouver des partenaires pour signer de tels accords qui devraient se faire rares, espérons-le. En l’absence de syndicat le CSE peut être négociateur, attention donc au CSE « maison » également et, in fine, un seul salarié mandaté peut dorénavant être un interlocuteur. On voit là les risques de la négociation dite « collective ». Quel intérêt peut-il y avoir par exemple à signer un accord prévoyant une majoration des heures supplémentaires à hauteur de 10% alors qu’à défaut d’accord, les huit premières heures sont à 25% et les suivantes à 50%  dans ses dispositions supplétives?

Quant au patronat il ne se pose pas ces problèmes et il donne les consignes suivantes : « Le télétravail est un thème faisant parti du bloc 3. Or, il existe un ANI datant du 19 juillet 2005 imposant certaines obligations allant au-delà de ce qu’exige le code du travail. Pourtant, si vous entrez dans le champ d’application de cet ANI de 2005, comme la majorité des entreprises, vous devrez en appliquer les prescriptions... sauf si vous concluez un accord d’entreprise sur le sujet ! »

Il ne va pas hésiter à s’engouffrer dans cette aubaine et pour lui la synthèse est vite faite : l’exception devient le principe !

 

  1. Le contrat de travail ou l’employeur peuvent aussi fixer des règles en l’absence d’accord

C’est le cas de l’article > L3121-8 du code du travail par exemple, qui permet au contrat de travail de déterminer la rémunération des temps de pause et de restauration faute d’accord collectif ;

Et aussi pour déterminer les modalités des astreintes > L3121-12 du code du travail ;

Ou pour organiser le temps de travail sur une période supérieure à la semaine > L3121-45 du code du travail ;

Ou pour le droit à la déconnexion ou pour fixer le nombre de commissions santé, sécurité et conditions de travail > L2315-44 du code du travail, etc...

Dans tous ces exemples et bien d’autres sujets, la loi ne fixe pas de règles applicables, c’est le flou et la porte ouverte à l’arbitraire.

 

Au final notre princesse aura bien du mal à retrouver son prince charmant d’autant plus qu’avec le masque, lorsqu’elle sort (non pas pour aller seulement travailler !) elle apparait dorénavant moins belle sans ses lèvres ornées de rouge !

 

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