Prime « Partage de la valeur » : deux mesures prises en novembre 2023
Une loi "partage de la valeur" de novembre 2023 ouvre la porte à la négociation dans les entreprises à partir de 50 salariés et incite les plus petites à mettre en oeuvre un outil sur ce sujet
On se rappelle que ce terme de prime de partage de la valeur est le terme qui s’est substitué à celui de la prime exceptionnelle du pouvoir d’achat « accordée » en décembre 2018 par le gouvernement grâce aux manifestations et revendications des Gilets jaunes sur les inégalités sociales.
Il avait dû lâcher plus de 10 milliards, on ne l'oubliera pas !
Deux mesures législatives donc, ont été adoptées en novembre 2023, qui ont fait suite à l'ANI du 10 février 2023 pour inciter les entreprises réalisant des profits à mettre en place un dispositif de partage de la valeur.
L'une, qui va durer : obligation de négocier dans les entreprises à partir de 50 salariés ;
L'autre, temporaire et plus contraignante s'adresse aux petites entreprises.
1. Une négociation à prévoir en cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal dans les entreprises de 50 salariés et plus
Dans les entreprises dotées d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place un régime de participation, la loi impose de négocier sur les conséquences d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal s’agissant du partage de la valeur (art. 8).
Il s'agit d'une disposition édictée dans le code du travail > art. L3346-1 du code du travail.
1.1 Contenu de la négociation
Concrètement, les négociations portant sur l’intéressement et la participation doivent également porter sur l’insertion d’une clause spécifique dont l’objet est de définir ce qu’il convient d’entendre par « augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l’entreprise » et fixer les modalités de partage de la valeur en découlant.
La définition de cette augmentation exceptionnelle doit prendre en compte des critères tels que :
- la taille de l’entreprise,
- le secteur d’activité,
- les bénéfices réalisés lors des années précédentes,
- les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice net,
- la survenance d’une ou plusieurs opérations de rachat d’actions suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions gratuites d’actions (AGA) aux salariés.
Remarque : le bénéfice net fiscal a été défini ci-avant.
1.2 Nature des engagements à prendre en termes de partage de la valeur
Les modalités de partage de la valeur peuvent être mises en œuvre par :
- l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet la mise en place d’un accord de participation ;
- l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet le versement d’un supplément de participation ;
- le versement direct d’un supplément de participation ;
- l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet la mise en place d’un accord d’intéressement ;
- l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour objet le versement d’un supplément d’intéressement s'il existe un accord d'intéressement ;
- le versement direct d’un supplément d’intéressement ;
- l’ouverture d’une nouvelle négociation relative à l’octroi d’un abondement patronal à un PEE/PEI, à un Perco/Perco-I, à un PEREC ou un PERE regroupé ;
- l’ouverture d’une nouvelle négociation sur la distribution d’une prime de partage de la valeur.
Le partage de la valeur peut donc se traduire soit par le versement d'une somme (supplément d'intéressement ou de participation) soit par l'ouverture de négociations. Si la seconde option est préférée, il ne s’agit que d’une obligation de moyen. Les négociations n’ont pas toujours vocation à aboutir à la conclusion d’un accord.
1.3 Ouverture des négociations : à quelle date ?
Quant à l’ouverture des négociations sur les conséquences d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, deux situations doivent être distinguées :
- si l’entreprise ne dispose pas d’un dispositif d’intéressement ou de participation, elle doit négocier sur le partage de la valeur au moment de la négociation sur la mise en place de la participation obligatoire (et, éventuellement, d’un dispositif d’intéressement) ;
- si l’entreprise dispose, au 29 novembre 2023, d’un dispositif d’intéressement ou de participation, elle a jusqu’au 30 juin 2024 pour ouvrir des négociations sur le partage de la valeur, à moins :
- d’être pourvue d’un accord de participation ou d’intéressement comportant déjà une clause spécifique prenant en compte l'augmentation exceptionnelle du bénéfice fiscal ;
- d’être pourvue d’un accord de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable aux salariés que la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation.
Dans ces deux dernières situations, l'entreprise n'a pas à ouvrir de négociation.
Les entreprises disposant d’un dispositif de participation et/ou d’intéressement disposent donc d’environ 7 mois pour modifier leur(s) accord(s) afin d’y intégrer cette clause spécifique. Les autres ne devront pas oublier de prévoir cette clause dans leurs accords à venir.
2. Une obligation de se doter d'un outil de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés réalisant un BNF au moins égal à 1 % de leur CA
Les partenaires sociaux de l'ANI ont décidé d'imposer, à titre expérimental, aux entreprises de 11 à 49 salariés de mettre en place au moins un dispositif lorsqu'elles sont profitables. Une mesure transposée dans la loi n° 2023-1107 (art. 5).
Concrètement, à compter du 29 novembre 2023 et à titre expérimental (durée de 5 ans), les entreprises d'au moins 11 salariés non soumises à l'obligation de mettre en place un régime de participation (donc principalement les entreprises de 11 à moins de 50 salariés), constituées sous forme de société (hors certaines sociétés anonymes à participation ouvrière - voir remarque ci-après), qui ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de leur chiffre d'affaires pendant trois exercices consécutifs, doivent se doter d'au moins un des dispositifs légaux de partage de la valeur au cours de l'exercice suivant, si elles ne sont pas déjà couvertes par un tel dispositif au moment de la réalisation de la condition relative au bénéfice net fiscal (art. 5).
2.1 Parmi les dispositifs pouvant être mis en place figurent
- l’intéressement : pour ce faire, l'entreprise peut appliquer un accord d'intéressement de branche > art. L.33128- du code du travail ou mettre en place le régime selon les modalités de droit commun prévues à l'article art. L3312-5 du code du travail (négociation d'un accord ou DUE) ;
- la participation volontaire : comme l'intéressement, l'entreprise peut appliquer l'accord de participation prévue par sa branche > art. L3322-9 du code du travail ou mettre en place le régime selon les modalités de droit commun prévues par l'article art. L3323-6 du code du travail du code du travail (négociation d'un accord ou DUE) ;
- l’abondement patronal d’un PEE, PEI, Perco, Perco-I, un plan d'épargne retraite d'entreprise collectif (PEREC) ou un PEREC interentreprise ;
- la distribution d’une prime de partage de la valeur.
Cette obligation expérimentale s'applique aux exercices à compter du 1er janvier 2025. Les trois exercices précédents (soit 2024, 2023 et 2022 pour des exercices civils) sont pris en compte pour l'appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal.
Le non-respect de cette obligation n'est assorti d'aucune sanction spécifique.
2.2 Une obligation s'imposant aussi à certaines entreprises de l'économie sociale et solidaire si un accord de branche étendu le permet
La plupart des entreprises de l'économie sociale et solidaire (ex. : associations et fondations, mutuelles, coopératives), de par leur activité, ne génèrent pas de bénéfice net fiscal et ne versent pas de participation. Leurs salariés ne sont donc pas associés à leur performance ; elles restent très éloignées des dispositifs de partage de la valeur.
Pour pallier ce problème, la loi « Partage de la valeur » instaure, à titre expérimental pour une durée de 5 ans, une obligation de partage de la valeur dans de telles entreprises occupant au moins 11 salariés et qui n'ont pas de bénéfice net fiscal mais un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes pendant trois exercices consécutifs (art. 6).
Sous réserve d'un accord de branche étendu l'autorisant, ces entreprises devront, à compter du 1er janvier 2025, mettre en place un dispositif d'intéressement, abonder un plan d'épargne salariale ou un PEREC ou bien encore distribuer une prime de partage de la valeur à leurs salariés.
Comme pour l'obligation précédente, le non-respect de cette obligation n'est pas sanctionné par la loi.
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