Présomption de démission en cas d’abandon de poste : un décret passé en catimini

Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure dans un délai fixé par l'employeur est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai 

Présomption de démission en cas d’abandon de poste : un décret passé en catimini

Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure dans un délai fixé par l'employeur est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai 

Dans le contexte de la contestation de la retraite à 64 ans - Manifestations des 6 avril et 13 avril, casserolades du 17 avril - un décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié, issue de la loi « Marché du travail » de décembre 2022 est quasiment passé inaperçu.

Ce décret codifie un article > R.1237-13 du code du travail en application de l’article > L. 1237-1-1 du code du travail et est effectif depuis le 18 avril 2023.

Mais quel est donc ce nouveau concept juridique de « présomption de démission en cas d’abandon de poste » ?

 

Cette présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire par un salarié résulte de la loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 : ce texte prévoit que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans un délai fixé par l'employeur (qui ne peut être inférieur à 15 jours) est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai ».

Avant cette loi l'abandon de poste ne valait pas démission car ne reposait pas sur une volonté claire et non équivoque de démissionner. Le salarié qui abandonnait son poste pouvait être sanctionné par un licenciement pour faute > Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.566, ce qui ouvrait droit aux allocations-chômage. Désormais, si l'employeur a recours au dispositif de la présomption de démission, le salarié n'aura plus droit à l'assurance chômage. Voilà la vraie raison du gouvernement !

Refusant que l’abandon de poste puisse être assimilé à une démission présumée, le syndicat Force ouvrière a déposé le 3 mai un recours devant le Conseil d’État. La confédération lui demande de faire annuler cette disposition de la loi Marché du travail de décembre 2022. Le syndicat estime que cette mesure constitue une aberration juridique créée dans le seul but de restreindre encore un peu plus les droits des demandeurs d’emploi.

 

Les employeurs peuvent avoir recours à ce dispositif depuis le 18 avril 2023. Ce décret a précisé, via le nouvel article R. 1237-13 du code du travail les modalités de ce mode de rupture particulier du contrat, notamment :

- le délai laissé au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste est de 15 jours minimum et commence à courir à la date de présentation de la mise en demeure envoyée par l'employeur ;
- l'indication par le salarié, dans la réponse à la mise en demeure, d'un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission ;

- la liste non exhaustive des motifs légitimes que peut invoquer le salarié de nature à faire obstacle à une présomption de démission : exercice du droit de grève, refus d'exécuter une instruction illégale,

Cette mesure idéologique injuste permettra finalement de réaliser des économies sur le dos des demandeurs d’emploi.  Tout le monde pourra être présumé démissionnaire. Il n'y a pas de critère d'exception, comme le harcèlement au travail ou les raisons de santé.

Dans certaines entreprises, pour des salariés parfois en grande souffrance, exposés à des risques pour leur santé, harcelés, déconsidérés, l’abandon de poste constitue parfois la seule solution, quand d’autres dispositifs telles que l’amélioration de la situation, une rupture conventionnelle acceptée par l’employeur ou le licenciement pour inaptitude sont refusées ou impossibles.  

 

Il reste au moins deux questions à se poser : la procédure s’applique-t-elle aux salariés en CDD et quid si le démissionnaire est protégé ? Pour la première c’est non car cette procédure figure dans la section du code du travail concernant les ruptures de CDI. Pour la seconde elle reste en suspens.

D’ailleurs, cette loi intitulée « Marché du travail » résonne fort et nous fait bien sentir que le travail est encore une marchandise au lieu d’être une source d’accomplissement, de création et de partage.

 

Vous vous souvenez, c’est cette loi cette qui prévoit notamment les mesures suivantes :

> Si un salarié embauché en CDD a refusé à deux reprises au cours des 12 mois précédant son inscription à l’assurance chômage, une proposition  de CDI, il ne pourra pas prétendre au bénéfice de l’allocation d’assurance ;

> Le bénéfice de l’allocation chômage ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition d’un CDI par l’entreprise utilisatrice ;

> La suppression de la durée maximale d’un CDI Intérimaire ;

> Pour les nouveaux demandeurs d'emploi dont la fin du contrat de travail est intervenue à compter du 1erfévrier 2023 (sauf date d’engagement de procédure de licenciement antérieure à cette date), la durée des allocations chômage dépend du marché du travail. S’il est favorable, la durée d’indemnisation sera écourtée de 25 %.

 

On attend la décision du Conseil d’État sur la légalité de ce concept inique de présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié.

 

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